« La culture artificielle ne doit pas suivre le triste chemin de la malbouffe »


Musiciens, photographes, scénaristes, écrivains, journalistes et programmeurs s’insurgent contre ChatGPT et autres intelligences artificielles génératives (IAG), qui s’entraînent avec leurs œuvres sans leur autorisation et sans les rémunérer. Pétitions, grèves et procès fleurissent.

Le camp des éditeurs d’IAG, à l’inverse, questionne la légitimité des auteurs à revendiquer des droits si les œuvres artificielles ne ressemblent pas aux œuvres initiales. On invoque la liberté d’apprentissage, d’inspiration, de style. On rappelle opportunément que la Cour suprême des Etats-Unis avait décidé en 2016 que la numérisation de livres par Google constituait un « usage équitable » et que « Google Books apportait des avantages publics significatifs », ce qui justifiait de ne pas rémunérer les auteurs.

A Washington, le Sénat et le Copyright Office se sont saisis du problème, mais l’histoire est presque écrite d’avance. Le grand public préférera la magie des IAG gratuites aux protestations des ayants droit, comme aux premiers temps des échanges de musique en ligne, malgré les remontrances du gendarme Hadopi.

Pertes d’originalité et de diversité

On évoquera les débuts de la photographie, lorsque Charles Baudelaire s’insurgeait vainement contre son utilisation artistique. On arguera de la compétition avec les Chinois pour que l’innovation l’emporte sur les « revendications corporatistes ». Quelques concessions cosmétiques, comme la possibilité laissée aux auteurs d’interdire aux IAG d’utiliser leurs œuvres, achèveront le retour à la normale.

Pourtant, ce scénario nous emmène tout droit vers la sous-culture. Les plates-formes musicales sont déjà submergées par les morceaux artificiels. Les grandes bases de données d’images sont alimentées au rythme de trois images artificielles pour deux images d’auteurs. Or, 90 % du stock d’informations d’Internet a moins de deux ans. Le rythme s’accélérant, la majorité des contenus sera bientôt artificielle.

L’IAG se nourrira de ses propres contenus, dont la qualité sera triée par les traces d’intérêt laissées sur des plates-formes comme TikTok. Les pertes d’originalité et de diversité seront à la hauteur des gains de productivité, et la culture artificielle suivra le triste chemin de la malbouffe.

S’inspirer du mécanisme de Beaumarchais

Elon Musk, patron de Tesla et de Twitter (rebaptisé X), alerte sur une menace « existentielle » pour la survie de l’humanité. Au-delà du style outrancier qu’on lui connaît, il faut anticiper le jour où tout le monde pensera que la créativité n’est pas réservée aux humains. Le sentiment du déclassement de l’humanité face aux machines rejoindra et amplifiera alors le pessimisme écologique.

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Catégorie article Politique

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